Répétition de 2 voies majeures dans la chaîne de L’Alaska. Les ascensions en vues seront réalisées avec une éthique propre pour ne pas dénaturer les voies. Ascension en style alpin et en mode non stop (ni sac de couchage, ni bivouac) pour une rapidité synonyme de plaisir et un gage de sécurité.
La première voie choisie est « Moonflower Buttress » sur le Mont Hunter. Voie très technique et assez engagée : Cotation Alaska, grade 6 sur une échelle de 6, 1300m, 5a, M5, A2, et grade 6 en glace. Elle est considéré comme le « Nose » à El capitan sauf que c’est en mixte. Puis, nous voulons continuer jusqu’au sommet et redescendre par une longue arête de 7 kilomètres très raide, rajoutant encore un peu d’engagement et une ascension esthétique. L’ascension dans le topo est annoncée en 5 jours plus 1 à 2 jours de descente, nous voulons mettre 2 jours pour faire l’ensemble.
La deuxième voie est « La Directe Tchèque » ou « la directe Slovak » on a jamais su qu’elle nom véritable elle portait. C’est le gros morceau de l’expé, elle sort au sommet du Denali, à 6193m. En face sud, le cheminement prend la ligne la plus directe sous le sommet et de ce fait, emprunte les passages les plus raides.
Au total, cela fait 3000 m d’escalade avec des cotations élevées. Cotation Alaska en grade 6, 5+ en escalade très exposé, grade 6 en glace et une énorme part d’engagement, tant par l’immensité de la face que par l’altitude. Répété seulement 2 fois, dont une fois en non stop par une cordée très expérimentée et productive (Steeve House, Scott Bakes et Mark Twight), nous voulons faire au mieux le même temps (3 jours), sinon moins.
Résumé de notre projet
Pour s’échauffer et prendre quelques repères, on commence par le Mont Frances avec son arête ouest longue de 1100 m, coté 5 en escalade. Annoncé en 10 h jusqu’au sommet, nous ferons l’aller-retour en seulement 6 heures.
Nous touchons un peu de glace avec la goulotte « Mini Moonflower », 650m, grade 5, M5. On fera là-aussi un aller-retour express en 7 heures, avec des conditions mauvaises dans la longueur clef.
On s’acclimate en passant une nuit sur le Peak 12 200 feet, vers 3800m, 1200m de face en neige à 45/50°.
Après une semaine de mauvais temps, nous attaquons notre premier objectif : « Moonflower Buttress », tout se passe comme prévu, on continue jusqu’au sommet et on descend par l’arête ouest longue de 7 km. On a mis 48 heures, parfait.
On a pris un peu de retard par rapport au planning du à la météo, nous partons pour finir l’acclimatation par la voie normale du Denali, « West Buttress ». On réussit notre acclimatation en faisant le sommet par cette voie, puis la météo fait des siennes et notre dernier objectif n’est plus faisable, faute de bonnes conditions et de temps imparti.
Au final, 5 sommets par 5 voies et 31 jours sur glacier…
Compte rendu chronologique
Nous sommes partis de Nice seulement deux jours après les remises des bourses Expé, le 27 avril. Le voyage fut long et un peu fatiguant après 26 heures de vols et de correspondances (Nice-New York-Seattle-Anchorage).
Avec les 10 heures de décalages par rapport à la France, nous arrivons le lendemain très tôt dans la matinée. Nous resterons une nuit à Anchorage, le temps de faire les achats nécessaires de dernières minutes et les courses pour un mois au camp de base.
Petite chose à savoir pour les prochains voyageurs en partance pour ce beau pays : en Alaska on ne peut pas échanger des euros en dollars. Allez savoir pourquoi, il nous a fallu parlementer avec la plus grosse banque d’Anchorage durant plus de deux heures pour arriver à nos fins. Au final, il nous a fallu ouvrir un compte à la Wells Fargo Bank, pour y déposer des devises en euros et les récupérer en dollars juste après au comptoir. Ouf !!!
Nous n’avons pas trop accroché avec cette ville, elle est sans vie ni très jolie, il n’y a pas grand-chose à y faire et de nombreuses personnes errent dans les rues ivres dès le matin ; pas très cool.
29 avril, nous arrivons à Talkeetna, dernière ville avant le départ en avion pour le glacier. Ici l’ambiance est tout autre. La ville ou plutôt le village, se trouve quasiment en forêt. Que des petites maisons, toutes en bois, tout le monde se connaît et un petit air des années Woodstock y règne encore. Cela m’a fait un peu penser à La Grave.
On sympathise avec des guides américains qui vont travailler avec des groupes de clients sur la voie normale du Denali. On les recroisera donc plus tard sur le glacier. En même temps, nous croisons trois amis français qui partent en même temps que nous sur le glacier pour faire 20 jours de ski et de pentes raides. Nous décidons de faire le même camp de base pour que l’ambiance soit plus sympa et partager quelques bons moments.
Durant trois jours nous préparons les sacs, la nourriture, pesons les sacs pour l’avion et passons à la caisse avec l’agence de transport (Talkeetna Air Taxi).
Malheureusement, le moyen le plus expéditif d’accéder au glacier est de prendre ces petits coucous très dispendieux, mais terriblement rapides. Il existe un autre moyen pour s’y rendre, à pied, mais cela prendrait 3 semaines. Il faut alors traverser de gigantesques forêts pleines de grizzly pas très amicaux, traverser des rivières très larges et marcher sur des moraines interminables tout en charriant, ne l’oublions pas, équipement et nourriture, soit environ 250 kg! Non, sans façon…
Nous avons droit aussi à un petit briefing chez les Rangers, obligatoire, car ici on ne rigole pas avec les règles. Ils nous expliquent la conduite à tenir avec nos déchets et nos diverses déjections. Ils nous prêtent même un petit conteneur pour faire nos besoins, sympa les expés.
Mais nous étions prévenus et nous avions déjà expérimenté cela dans la paroi d’El Capitan, au Yosemite. Après cela, nous recevons notre permis d’entrée dans le Parc national du Denali, ainsi que notre permis d’ascension du Denali, payant lui aussi. Cet argent permet à une équipe de rangers d’être sur le glacier en permanence pour contrôler les abus de certaines expés avec leurs déchets divers et aussi d’assurer un poste de secours avancé. En effet la voie normale du Denali c’est un peu comme la voie normale au Mont-Blanc, il y a beaucoup d’alpinistes néophytes qui veulent absolument aller au sommet, même sans expérience de la montagne.
Le 2 mai, nous survolons le glacier, 45 minutes à peine pour rallier le camp de base. Et là, pas la peine de se faire d’illusions : les faces sont énormes ; un sommet domine tout les autres, et de loin, le Denali.
Le second sommet du massif, le Foraker, mesure quasiment 1000 mètres de moins ! Cela accentue l’imposante domination du Denali. D’ailleurs « Denali » dans la langue locale veut dire tout simplement : « le plus grand, le plus haut ». Les Américains l’ont appelé le Mont McKinley, patronyme de l'ancien gouverneur de l'Ohio et président des États-Unis William McKinley.
Une fois le camp de base installé avec les trois autres compères skieurs, nous partons en ski repérer le fond de la vallée et les conditions dans la face nord du Mont Hunter. Nous cherchons également des voies possibles pour s’échauffer. Question nivologie on sait qu’à peu près 3 mètres de neige sont tombés en deux semaines… du coup, les faces nord sont bien chargées ; impossible de s’y aventurer pour le moment.
On observe même une cassure d’avalanche sur la première bande de neige où passe notre voie ; à vue d’œil elle ne fait pas loin de 2 mètres d’épaisseur… Nous voici contraints à organiser notre temps autrement, en espérant qu’il ne tombe plus trop de neige.
Avant d’affronter notre premier objectif, on va tâter un peu du rocher et de la neige locaux, pour voir de quoi il en retourne, et commencer l’acclimatation pour être sûr de ne pas s’essouffler trop vite.
On s’est donc attaqué à une arête rocheuse de 1100m en 4+/5 sur le Mont Frances, à une demi heure du camp de base. Notre cordée reprend ses repères. Cette arête ouest, c’et comme l’arête des Cosmiques… mais en plus long et un peu plus neigeux.
On l’avale très vite, et d’en haut, le coup d’œil aux alentours est magnifique. Le glacier de Kahiltna est énorme, on aperçoit la vallée qui mène au pied de la face sud du Denali… une face vraiment imposante, on se rend compte du boulot qu’il va falloir faire pour en venir à bout. Puis on descend par le couloir que nos amis skieurs ont dévalé. Hop ! Voilà une jolie mise en jambe.
Avec Ben, nous nous connaissons bien en montagne mais comme les objectifs que nous nous sommes fixés sont assez conséquents, nous devons tout remettre en question pour affiner nos connections et automatismes de cordée, et gagner du temps là où cela sera possible (relais, passage du matos au leader, gestion de la corde, le poids et le choix du matos, etc.)
La rapidité est le gage d’un retour au camp de base et nous permettra de passer entre deux perturbation météo, qui arrivent en général très vite dans le massif. Du coup, nous n’hésiterons pas à progresser en corde tendue, ou encore en solo dans les parties les plus faciles, les décisions doivent être prises rapidement et assumées, voilà en résumé ce qui a résulté de nos cogitions après quelques jours sur le glacier, au vu des deux gros morceaux qui nous attendent.
On attend encore un jour avant d’aller dans la goulotte « Mini Moonflower », la petite sœur du Mont Hunter, histoire de laisser encore un peu la neige se tasser. On en profite pour aménager notre CB un peu mieux.
Avec Ben, on dort dans une tente confort pour trois personnes, enterré dans un trou dans la neige, pour se protéger du vent très froid. On a creusé large autour de la tente s’il s’avérait nécessaire de déneiger. Pour stoker le matos, on a monté une toile avec un mât. Pour faire la cuisine et patienter dans le mauvais temps, on a récupéré l’igloo d’une équipe déjà partis, que l’on customisé en l’agrandissant (5 mètres de diamètre, 2 mètres de plafond), avec des rangements pour la nourriture, les ustensiles de cuisine etc., des chaises, et même une cheminée d’aération pour éviter les gouttes d’eau au plafond. Et pour plus de confort et d’intimité, on en a construit un autre juste pour les toilettes… le luxe intégral en expé.
Le lendemain il neige, cela reporte notre goulotte encore d’un jour, le temps que ça purge.
Le 7 mai, on fonce ! On brasse pas mal avec nos petits skis d’approche, arriver au pied de la goulotte c’est carrément abo, on s’enfonce jusqu’à la cuisse ! Mais juste au-dessus de la rimaye, vient enfin la glace. Ouf, on va pouvoir se reposer les cuisses dans la goulotte.
On part dedans en solo sur 250 m, puis on s’encorde juste avant que ça se raidisse trop. Là, on s’aperçoit que tout le long de la goulotte, à droite comme à gauche une multitude de champignons de neige sont suspendus sous des devers. On se regarde… et on décide de continuer. On nous avait dit avant de partir que c’était courant, mais là c’était vraiment impressionnant, les plus gros font la taille d’un Transporter VW.
Une longueur après, on est au pied de la longueur clef et ce n’est pas du tout comme sur le topo. Le mur de glace qui devrait faire 5/6 mètres de large n’en fait plus qu’un et son épaisseur laisse songeur. Ben attaque, incertain quand à sa réussite. Il se tâte, puis essaye le rocher à gauche, pour voir et va continuer doucement en nettoyant le dièdre consciencieusement, pour chercher à mettre de bonnes protections… qu’il ne trouvera pas. Il mettra seulement des points « moyens »… plus psychologiques qu’autre chose. Ça lui prend une heure pour faire cette longueur de 60 mètres. Il m’avouera ensuite que s’il avait réussi à mettre une protection potable il serait redescendu immédiatement.
Derrière, je me rends compte du l’engagement de cette longueur qui devait être facile (grade 5) et qui c’est transformé en M5/6, grade 5 très expo. La suite est plus tranquille, encore une longueur en grade 5 puis ça se couche un peu et on arrive sur une corniche de neige. Ben, épuisé par la trace pour arriver au pied de la corniche, me laisse la franchir, ça déverse pas mal et la consistance de la neige rend l’escalade impossible, j’opte pour la méthode de la taupe qui fait son trou. Finalement, c’est la bonne technique et la corniche se laisse faire.
On file au sommet d’où l’on observe la grande sœur toute proche. Vue de profil, c’est vraiment très raide, la pression monte d’un cran. Descente en rappel par le même itinéraire en faisant des abalakov sèches, histoire de ne rien laisser derrière nous, comme d’hab. On a bien avancé ce jour-là même si les conditions n’était pas au top, 7 heures aller-retour. Ca y est, on a fait notre première voie en glace et Ben s’est mis un petit taquet imprévu, ça tourne pas mal et les choses s’enchaîne comme prévu, c’est bon signe.
Le lendemain (8 mai) on monte au Peak 12 200 feet qui culmine à 3 800m d’altitude, juste pour passer une nuit, histoire de s’acclimater pour ne pas s’essouffler trop vite dans le Mont Hunter.
On monte avec les skieurs qui en profitent aussi pour ajouter une descente à ski à leur actif. 4 heures de montée pour 1200 m de neige à 45/50°.
En haut, on peut observer non seulement la face nord du Mont Hunter mais aussi la face sud du Denali, c’est parfait. On s’aperçoit malheureusement que le bas de la « Slovak Direct » est un poil sèche, on verra plus tard si c’est un peu mieux fournit. On redescend le lendemain et on prend la météo en passant devant les rangers. Apparemment le mauvais temps arrive, ils prévoient du vent et de la neige pour les 2 prochains jours. On prévoit du coup de se reposer le lendemain.
Finalement, le temps est resté assez beau le premier jour et s’est nettement dégradé les jours d’après. On reprend la météo et elle n’est pas bonne encore pour quelques jours. On va passer une semaine comme ça à attendre le créneau. Les rangers ont une météo peu fiable, mais tous les jours il tombe de la neige, moins pire que ce qui a été annoncé, cela commence à être pesant. On enchaîne les livres à un rythme effréné. L’igloo n’a jamais été aussi bien aménagé, tous nos habits, gants et autres sont réparés, recousus pour certain, il n’y a plus rien à faire. On a déposé le gros du matos au pied de la face en prenant le soin de laisser une sonde à l’endroit où il est enterré.
On apprend que plusieurs cordées sont arrivées pour faire la même voie que nous, on est fou. On serait 7 cordées à postuler, mais on est trois seulement à vouloir la faire en non-stop.
Le 15 mai, il neige toute la journée, nous sortons voir les rangers comme tous les jours et là ils annoncent que la perturbation est bientôt finie et qu’il va surement faire beau les jours à venir, enfin ! Le lendemain tout est prêt, les sacs, l’eau, les camelbags, les skis, ont est au poil dès la mi-journée. C’est excitant de savoir que l’on va enfin faire notre premier objectif. On discute avec les autres cordées qui veulent faire l’ascension et tous veulent attendre encore un à deux jours, le temps que ça purge encore. Mais nous, on va se lever à 7h demain et voir au pied de la face si ça peut faire. Déjà, aujourd’hui, la face s’est bien purgée.
Le 17 mai, on est sur le pied de guerre, on n’est pas pressé par le temps car l’avantage avec le mode non stop c’est que tu peux partir quand tu veux. On arrive au pied de la face pour déneiger le matos et nous voyons une cordée qui est déjà engagé dans la voie, ils sont dans la quatrième longueur. On décide de monter dedans pour voir, mais on pense très vite que c’est maintenant qu’il faut y aller.
Ben enquille les quatre premières longueurs en corde tendue, une heure et nous voilà derrière la cordée de tête, ils sont anglais et suédois. Je suis le second de cordée comme son ombre pour ne pas prendre de glaçon avec trop de vitesse.
Ca y est, on est au niveau des « Twin runnel », sorte de goulottes parallèles, on en profite pour essayer de les doubler. De toute façon, ils sont partis pour faire des bivouacs apparemment. 2 longueurs après, on est devant, au pied de la première longueur clef, « « The Prow ». Annoncé en A1 puis A2, c’est moi qui m’y colle et j’ai bien envie de tout faire en libre pour gagner du temps, surtout que ça été déjà fait auparavant, par Marco Prezlj, donc il y a moyen.
Je pars dedans, c’est dur mais ça se protège bien sur la première moitié puis, arrivé dans le dièdre, il y a de la glace, mais tant et plus ! Du coup les quelques pitons en place ne sont pas visible. Deux solutions se présentent à moi, soit je casse toute la glace et je fais de l’artif, soit je grimpe sur la fine couche de glace.
Finalement je vais tout faire en libre en serrant les dents, trois quarts d’heure dans cette longueur ! Ben prend le relais sur 2 grandes longueurs en commençant par un pendule pour rejoindre une belle goulotte en grade 4+/5 qui amène sur une grande traversée La longueur 11, appelé « Tamara’s traverse », c’est 35 mètres à l’horizontale à 80° qu’il faut que je nettoie, une heure en tout pour y venir à bout.
Ça fait 8h30 que l’on est partis ; nous avalons la première bande de neige en corde tendue, on arrive à R 15 sous l’énorme champignon de neige-glace, c’est le plus gros risque de cette voie. Il peut se détacher à tout instant. Ben va se faire plaisir avec le petit passage en M5 sous le champignon et fait un relais au pied de « The Shaft ».
Ce truc est le deuxième passage clef de la voie, il s’agit de 3 longueurs de grade 6 en fine goulotte. La première de ces longueurs est la plus dure, il y a un bouchon de neige qu’il faut nettoyer puis franchir. Les 2 longueurs d’après sont raides mais passent bien, on arrive enfin sur la deuxième bande de neige, on décide de faire une pause pour manger un lyoph et refaire de l’eau à R 19 après 14 heures d’ascension. On sait que l’on a passé les longueurs les plus dures mais il en reste encore une ou deux où il faudra rester concentré.
On est éclaté, cette pause est nécessaire. On avait prévu de prendre 1h30 pour refaire 6 litres d’eau et manger mais nous allons y passer 5 heures. Le réchaud tourne au ralentis car il ne fait pas très chaud (- 20°C environ) ; en attendant que la neige fonde, on s’est habillé chaudement avec nos pantalon et veste en duvet. Pour ma part, j’ai réutilisé ma combinaison intégrale en duvet que j’avais au Népal, du coup on est bien. On repart à 4h du matin, il n’a pas fait nuit, et la frontale n’a pas été utile.
Ben se charge de L21 « The Vision », il s’agit de 2 pendules puis d’une portion en A2, il va libérer la partie en A2 et nous nous retrouvons vite sur la troisième bande de neige, cela fait 24 heures que l’on a franchi la rimaye ! Le rythme de progression est lent, on patine grave, la fatigue s’est installée. Il ne reste plus grand-chose pour arriver au sommet de la voie, moi je ne me sens plus capable de faire du M5, c’est donc Ben qui porte la dernière estocade dans la 29ème longueur. Elle débouche sur la pente de neige glace sous la corniche (fin de la voie).
Après une courte pause (1 h 15) sous la corniche pour manger, refaire de l’eau et attendre que le vent se calme de l’autre côté, on finit la voie. On aura mis 31h30 pour avaler « Moonflower Buttress », à présent il nous reste à aller au sommet du Mont Hunter, 700m plus haut et descendre les 7 kilomètres de l’arête ouest … !
On pense brasser dans pas mal de neige, vu ce qui était tombé ces jours derniers mais le vent a tout soufflé et on met 4 heures pour rallier le sommet. On a réussi, ça y est (35h30) ! Nos corps ne répondent plus normalement, mais le plaisir d’avoir atteint le sommet nous redonne des forces et nous ne trainons pas trop là-haut car il y beaucoup de chemin à parcourir avant de retrouver notre tente et surtout notre gros duvet bien chaud.
La descente à vue va très bien se passer et nous n’allons mettre que 13 heures pour redescendre, avec une petite pause d’une heure pour faire encore un peu d’eau. La descente était très exposée, sur une arête cornichée à mort, nous avons pris soin de ne pas trébucher et notre confiance en l’un l’autre était accrue car obligatoire.
Le retour au camp de base fut une libération pour nos muscles endoloris. Mais voilà, il ne nous reste que 12 jours pour faire notre 2ème objectif, la face sud du Denali. Et il nous faut encore arriver au camp de base du Denali, 20 kilomètres plus loin et 2000 m plus haut. Ensuite finir notre acclimatation et espérer une fenêtre météo convenable.
Nous allons nous reposer 2 jours suite à notre petite boucle au mont Hunter et c’est reparti pour 4 jours de portages et de peaux de phoques en skis d’approche et pulka au cul. Je crois que nous ne nous sommes pas assez reposés mais le temps est compté, il faut avancer si on veut avoir une chance de tout faire. On va prendre 2 jours de repos au camp de base du Denali à 4400m pour récupérer et s’acclimater un peu plus. Le 28 mai, nous partons finir l’acclimatation par la voie normale du Denali « West Buttress », le 29 mai on atteint le sommet sans trop de peine et redescendons au camp de base dans la foulée. Nous sommes acclimater et prêt pour « l’éperon Cassin » dans la face sud.
Mais la météo va décider autrement et mettre fin à tout espoirs de tentative au vu des 4 jours qui nous était encore impartis avant le retour en avion. Nous avons donc refait nos sacs et ficelé nos pulkas pour nous échappper vite avant l’arrivée du gros mauvais temps et être certains de pouvoir attrapper le petit coucou qui nous ramènerait à la civilisation.
Liste matos pour Moonflower Buttress
12 broches à glaces
1 jeu de friends du 000 black diamond au numéro 3 (bleu)
Un petit jeu de coinceurs (5)
Piolets traction avec longe Grivel
Crampons Sarken
Baudrier light Hirundos Petzl
8 dégaines light et 2 allongeable
Lunnette de soleil, crème solaire, stick à lèvre
Rappel d’Ice Twin en 60 m
Spantik
Ensemble haut et bas en doudoune pour les pause et au cas où
6 lyoph, des barres, des fruits sec, de l’additif pour l’eau (Tang)
2 Camelbag que l’on portait très prêt du corps sous les vêtements pour qu’ils ne gèlent pas.
2 sacs de 40 litres
2 kits pour mouflage au cas où nous serions tombé dans une crevasse
Trousse à pharmacie
2 frontales (tikka et E-light, Petzl)
2 appareils photos G9 et G10
1 thermos d’1 litre
3 paires de gant chacun (fin gros et duvet)
2 Buff et un bonnet chacun
1 téléphone sat au cas où...
Frédéric Degoulet
Aspirant-guide né en 1982. Expédition au Groenland en 2004, ouverture de 2 big-wall. Expéditions au Maroc, au Népal (Gamesh Himal V, Bourses Expé 2007), Patagonie, Yosémite...
Benjamin Guigonnet
Aspirant-guide né en 1988. Expéditions en Turquie en ski de randonnée, Yosémite, Jordanie, Norvège (cascade de glace).