6 septembre: Nous arrivons Laurent et moi (Séverine) à Antananarivo, capitale du pays. Suit une correspondance pour Diego Suarez, situé à l’extrême nord de Madagascar. Nous y retrouvons Jean-Claude qui est sur place depuis une semaine afin de s'occuper des autorisations nécessaires pour notre expédition. Ses 19 ans d'expérience à Madagascar ainsi que ses contacts nous facilitent bien la tâche. Nous logeons dans un petit hôtel au centre de Diego qui se nomme Le Paradis du Nord (tout un programme !). Nous dégustons une THB, c’est la bière locale, la bonne humeur est là.
7 septembre : Nous faisons les courses au marché de Diego qui nous offre une diversité culinaire exceptionnelle. Nous n'aurons pas le droit de pêcher sur l'île car c'est une réserve marine et nous ne savons pas s’il y a de l'eau douce. Donc autonomie totale, il ne faut pas se rater.
Jean-Claude et Laurent se laissent emporter par l'odeur des crevettes séchées et des mangues. Le contrat est signé. Dans cette expédition ce sont les hommes qui seront responsables de la gamelle.
8 septembre : Départ pour Nosy Hara, à 7 heures du matin le 4x4 du Madagascar National Parks vient nous récupérer devant l'hôtel. Nous avons environ 2 heures de route pour arriver au Parc National de Nosy Hara. La route est complètement défoncée, il y a d'énormes nids de poule et comme c’est souvent le cas à Madagascar, plusieurs passages sur des ponts en très mauvais état. A l'arrivée, accueil sympathique des agents du Parc avec qui nous chargeons sur le bateau notre matériel et les bidons d'eau (150 litres au total).
La mer est calme et le soleil tape fort. Laurent et moi ne résistons pas aux coups de soleil.
Il n'y a que la peau de lézard de notre cher Jean-Claude qui ne rougira pas !
Une fois arrivés, il faut attendre que la marée monte car les récifs de corail sont bien trop hauts pour que le bateau puisse passer. Notre capitaine en profite pour chasser des raies présentes sur cette plage. Je lui fais part de mon mécontentement car nous sommes dans une réserve marine. Mais je réalise que ma position d'Européenne qui n'a jamais connu la faim ne me permet pas de dire quoi que ce soit et la culpabilité l'emporte.
De toute façon, il ne faut pas être naïf ! Dans l’archipel, le braconnage se substituera à la pêche locale. La création du parc aura au moins le mérite de stopper la pêche industrielle qui transforme les fonds marins en désert. Les fonds marins sont beaux et la faune marine encore diversifiée. Il était temps de la protéger !
Nous montons notre camp, puis nous faisons une reconnaissance dans un large canyon qui s’ouvre dans le prolongement de la plage.
9 septembre : Notre première nuit sur l’île a été difficile pour Laurent et moi. Le vent a soufflé très violemment et nos tentes ont claqué toute la nuit. Jean Claude plus prévoyant, a placé sa tente dans un renfoncement rocheux. À notre réveil, le vent s’est calmé et devant ce paysage magnifique nous oublions les fatigues de la nuit.
Photos aériennes en main, nous quittons notre plage paradisiaque pour continuer la reconnaissance de l’île. Devant nous, les tsingys s’élèvent comme une monumentale forteresse dont il faut trouver le point faible. Nous nous engageons dans un talweg envahi par la végétation et pavé de gros blocs de rocher.
Ces Tsingys sont aussi inaccessibles et inhospitaliers que ceux que nous connaissons ailleurs, mais en plus, ils sont particulièrement instables et les blocs se détachent facilement. La progression se fait lentement et difficilement, il faut assurer chacune de nos prises.
Nous atteignons notre but qui est une grande doline visible sur les photos aériennes.
Au fond, nous découvrons deux grottes. La première que nous nommons Grotte de la doline verte, abrite une importante colonie de chauves-souris. La seconde, Anjohibevato paraît plus complexe.
Nous rentrons au camp et nous nous baignons dans cette magnifique eau turquoise qui nous offre un défilé de poissons et de raies multicolores.
10 septembre : Départ du camp vers 8 heures, nous avons décidé de prospecter le toit des tsingys pour atteindre un canyon. Le relief est si déchiqueté que plusieurs heures sont nécessaires pour parcourir quelques centaines de mètres sur des lames tranchantes comme des rasoirs. Ces obstacles n’altèrent pas notre détermination et nous atteignons le canyon. Il ne reste plus qu’à descendre en escalade vers le fond. Pendant que Laurent prospecte le canyon, nous topographions une petite grotte.
Laurent revient, il a découvert deux puits profonds. Nous reviendrons avec du matériel !
Pour le retour, nous choisissons un autre itinéraire qui est arboré et doit nous conduire à la doline. Nous nous frayons un passage au mésobé (machette locale) dans une végétation dense et épineuse. A la mi-journée, l’air devient lourd et surchauffé et doit atteindre les 50 °C. Ce n'est pas sans peine que nous parvenons à la doline ; nos jambes n’ont pas résisté aux écorchures des arbres piquants et j'arrive à la doline les jambes en sang.
Nous pénétrons dans la Grotte de la doline verte pour la topographier. Les chauves-souris que nous dérangeons, volent dans tous les sens et c'est impressionnant. Nous avons de la chance qu'elles soient de petite taille et surtout sympathiques. Nous avançons sur une épaisse couche de guano dans lequel nos pieds s’enfoncent profondément. L'odeur est forte et insoutenable, nous nous couvrons le visage. Encore quelques mètres et nous butons sur un mur de calcite qui barre toute la galerie. C’est la fin de la grotte!
11 septembre : Repos des 3 explorateurs. Baignade, masque, tuba et palmes! Les fonds marins sont magnifiques et les poissons sont présents pour notre plus grande joie !
Nous trouvons deux crânes de tortues, l'île est peut-être un lieu de ponte pour ces princesses de la mer. Nous constatons malheureusement la présence de nombreuses piles éparpillées sur le sable. Jean Claude nous explique que cela doit dater de l'époque de la grande pêche des holothuries. Les Chinois raffolent de cet invertébré appelé Dinga Dinga par les Malgaches. La demande en hausse constante a entraîné une explosion des prix et un vent de folie sur la côte Ouest de la grande île où les Holothuries sont devenues de plus en plus rares. Cet invertébré est un filtre naturel qui débarrasse les fonds des bactéries et de la vase et on ne connaît pas encore les conséquences réelles de cette disparition sur les fonds marins. Devant ce spectacle, mon innocence s'envole. Reste-t-il un lieu sur terre où l'homme respecte la nature ?
12 septembre : Nous repartons dans la Doline pour continuer l’exploration de la grotte Anjohibevato. Les garçons s'épuisent dans une étroiture ventilée et Jean-Claude décide de retourner au camp récupérer le perforateur. En revenant, il sent que la dalle sous ses pieds glisse vers une petite barre rocheuse. Il saute au jugé et atterrit à quatre pattes sur des blocs tranchants. Résultat : Deux entailles sur la jambe, mais rien de grave !
Voyant le peu de place dans cet espace pour nous contenir tous les trois, je décide d'une séance photo sur les hauts des tsingys. En redescendant, c'est à mon tour de constater l'impressionnante instabilité des Tsingys et mon pied gauche est victime des arêtes tranchantes d’un bloc. Je rentre en boitant ! Je prends conscience que nous n’avons pas de moyen fiable de communication. En effet, nos téléphones portables ne passent que de temps en temps. Nous devons rester prudents !
13 septembre : Nous retournons sur le toit des Tsingys, la progression est toujours aussi difficile à cause de la chaleur et du soleil qui tape fort. Une magnifique chouette se pose juste en face de moi. J’ai le réflexe du photographe et je dégaine l’appareil photo, mais je ne suis pas assez rapide. C'est difficile de concilier exploration et photographie !
En fin de journée, nous décidons de trouver un bon emplacement pour faire des photos de la baie éclairée par les dernières lumières du soir. Jean-Claude explore deux petites cavités et repart au camp nous préparer ses fameuses crevettes à la tomate !
Laurent et moi rentrons de nuit, nous nous égarons, mais retrouvons notre chemin facilement
14 septembre : Le matin, nous allons sur la plage Est de l’île. C’est le meilleur point pour tenter une liaison téléphonique avec les agents du parc et fixer le jour de notre récupération. Nous passons plus d’une heure à nous déplacer vainement sur la plage.
Ça passe enfin ! Le rendez-vous est fixé pour le lendemain matin, à marée haute. La communication est rapidement coupée et ce sera la fin de notre liaison.
L’après-midi, nous retournons explorer plusieurs gouffres que nous avons repérés au cours des prospections précédentes. Profonds de 20 à 25 m, ils se terminent tous par des fissures impénétrables.
15 septembre : Nous plions le camp de bon matin et attendons sur la plage. Les heures passent et toujours pas de bateau en vue. La marée commence à descendre ! La liaison a été tellement foireuse qu’ils n’ont peut-être pas compris ? Le bateau apparaît enfin et s’avance lentement dans la baie. Nous embarquons tout le matériel rapidement, pour ne pas rester coincés par la marée descendante.
La mer soulevée par le Varatraza (Vent local fort) est très agitée et le retour est particulièrement arrosé. Le soir, nous fêtons notre retour dans un bon resto de Diégo. La vie est belle.